Hier, c’était le défilé du festival de Ganesh à Paris.
J’avais mis le réveil à 9H, un dimanche matin. Moi qui suis une incorrigible marmotte, c’est un exploit que j’ai vite relevé.
Mais finalement, un concours de circonstances a fait que je me suis retrouvée seule à y aller.
Après quelques heures à hésiter et tergiverser j’ai fini par sortir de chez moi peu avant 13H, le temps de me relaxer à l’idée de devoir affronter la foule sans la protection de mes amis (j’aime pas la foule, je vais jamais en concert et j’ai horreur des boîtes de nuit à cause de ça).
En sortant à La Chapelle, je réalise que les quais de la station sont embaumés d’une puissante odeur de jasmin. Des hommes me tendent des couronnes tressées de ces petites fleurs et je décline poliment. Je ferme les yeux et ça y est, tout remonte (et surtout les larmes).
Je me revois à Chennai et prendre le bus pour aller à la plage et sentir cette odeur de jasmin dans les cheveux des femmes. C’est une coquetterie que j’adorais chez les indiennes : accrocher 1 ou 2 guirlandes de fleurs de jasmin toutes fraîches dans leurs longues tresses de cheveux noirs, épais. Je me revois en acheter sur le bord de la route en esquivant le trafic, tendre deux petits billets froissés de 10 roupies en échange des précieuses qui sentent si bon, les porter à mon nez, à ma bouche, et respirer le jasmin jusqu’à l’ivresse. Je me revois ébahie au marché Goubert du côté des fleuristes lors de mon tout premier week-end en Inde, passé à Pondichéry.
Je quitte la station et rejoins la rue où le cortège poursuit son chemin et là je n’y arrive plus. Je vois toutes les femmes en sari, en salwar kameez, j'entends parler tamoul. Je ravale un sanglot, je ne comprends pas pourquoi je suis dans cet état ni pourquoi je m’apprête à fondre en larmes comme une idiote rue Marx Dormoy.
Mais c’est mon cerveau qui ne comprend pas ce qui se passe. Que fout l’Inde au milieu des immeubles Haussmanniens ? Que fais-tu là à chouiner alors que l’Inde t’a vidée, épuisée, retourné le cerveau ? Elle te manque, c’est ça ?
Surtout, il me manque. Ma relation à distance avec le nouvel être aimé n’a pas survécu à mon retour à Paris et les yeux embués, je lui envoie quelques photos du défilé. Ca lui fera plaisir de voir l’Inde après tout, lui qui en revient tout juste.
La réponse arrive immédiatement : « Happy Ganesh Chathurti Marion », suivie de photos du cortège. Je suis derrière lui. On est tous les deux seuls à ce festival sans l’avoir prévu.
Le cœur s’emballe, les larmes se ravalent, on se retrouve.
Le soleil de plomb nous assomme, on suit le cortège, la foule, guidés par les chants religieux scandés à tue-tête, ébahis par le spectacle. C’est comme à la maison. D’un côté ça casse des noix de coco, de l’autre ça distribue des barquettes de riz, de l’autre les brahmanes torse nu tirent les chars, ça sent le jasmin, l’encens, c’est le bordel. C'est pas aussi beau que Madurai, mais c’est comme à la maison. C’est comme en Inde. Ce qui se passe est complètement mystique. Je suis émue.
Et si ?
Et si on recommençait ? Et si on disait qu’on s’aimait toujours ? Et si on oubliait les mauvais moments, les pleurs, les peurs ? Et si on replongeait dedans, la tête la première ? Et si on disait que c’était rien que nous, et que le reste n’a aucune importance ?
Mais non Marion, ça n’est pas possible. C’est fini, l’aventure est finie. Tu es bien rentrée.
L’Inde, c’est terminé. Il faut passer à autre chose.
22 commentaires:
Salut Marion,
Tout ça me parle tellement, que ce soit la difficulté du retour en France après l'expatriation, les relations longue distance et surtout, d'être nostalgique d'un endroit qu'on a choisi de quitter.
Ca fait des années que je te suis, toujours avec autant de plaisir même si c'est plus souvent sur Twitter qu'ici, maintenant.
Je te souhaite une bonne fin de journée et te dis à bientôt, en ligne ou peut être à Paris (je crois qu'on habite dans le même quartier! :))
Joanna
Hello Marion,
No regret ? Je n'en suis pas si certaine que ça, je connais justement ce sentiment à chaque fois que je retourne en Allemagne. Merde, tu a l'Inde dans la peau donc ne l'oublie par pour autant. Certes tu n'y est plus pour l'instant mais ne lui ferme pas la porte car si tu fais comme moi, tu risque de tergiverser très très longtemps .....et ça serait dommage.
Regarde au fond de toi même ....l'Inde est-elle si loin ?
Salut Marion, quel joli texte!
Je suis expatriée depuis 4ans et je me surprends souvent a penser "Et si? Et si tu devais rentrer? Et si tu étais OBLIGE de rentrer?..." ce serait tellement difficile, je crois bien que j'y perdrais un bout de coeur.
Merci pour ces quelques mots très émouvants :)
xx Lexie
Quand je lis ces articles, ceux que tu écris avec ton cœur, pour partager tes émotions, pour te rappeler, pour honorer quelqu'un ou quelque chose... Je me dis que j'aimerais t'avoir comme amie. C'est tellement enfantin comme idée mais tu as fait de ce blog quelque chose d'intime. De ton début, où je lisais des dizaines de blogs à maintenant où je les compte sur les doigts de la main, c'est toujours un plaisir de lire tes rares et suffisants articles.
Passe une bonne soirée,
Pauline
Passer à autre chose, oui c'est vrai.
Mais il est bon de garder des souvenirs. :)
Tu as gardé ton sari ? C'était l'occasion ou jamais de le porter !
Arrivé à la fin de ton article, apparait le titre du précédent "alors pas trop dur le retour ?"...
Un peu apparemment alors bon courage pour ces nouvelles aventures.
Très joli article plein d'intimité mais également de pudeur.
Je regrette de ne pas avoir fait un saut à cette fête hindoue lors de mon escapade parisienne de ce we.
Plein de bonnes choses.
Tes billets m'ont manqué, ils sont si bien écrits. Prête pour de nouvelles aventures donc! Où ça?
A très bientôt Marion, tes aventures ne font que commencer!
Merci pour cet article que j'ai relu plusieurs fois tellement il me parle.
Je connais ces sentiments, c'est très difficile, je pense que ça ne passe jamais.
Finalement on laisse une partie de son cœur dans le pays en question, c'est impossible de s'en remettre complètement en tout cas pas si vite...
Bon courage, Bonne après-midi,
Xx
C est tres emouvant et terriblement bien ecrit ...
C'est drôle : je tombe sur ton article, ça y ait : cela fait un an pile que je suis rentrée de Chine et ce sentiment n'est toujours pas passé...
En te lisant, j'ai presque l'impression d'y être ! Je revois des images, des visages, je sens des odeurs de mes voyages. Ça fait du bien !
Je suis émue par ce que tu nous livres, quitter l'Inde, le retour à la vie parisienne, l'amour, l'espoir, les larmes qui montent aux yeux...
Porte toi bien :)
Magnifique article... Merci.
J'étais sur mon ordi (comme trop souvent) et j'ai eu envie de voir si tu avais posté un nouvel article (comme souvent). Et ce fut avec d'abord joie puis avec plaisir que j'ai pu lire ton nouveau texte. J'aime tes mots, ils me touchent, me parlent, me rendent curieuse, m'apaisent... C'est étrange Marion, mais je me sens comme liée ou connectée à toi, comme cette amie que je n'ai jamais eu, que j'aimerai connaître, découvrir, accompagner, écouter, réconforter... Une amie que j'idéalise aussi et que j'imagine via ce blog et les réseaux sociaux, mais une image qui me plait et qui fait que je te lis depuis surement plus de 5 ans maintenant.
Je t'envoie toute mon affection pour ce changement de vie et les évènements ou sentiments douloureux qui peuvent en découler.
Les parfums nous rende parfois nostalgiques... les souvenirs remontent rapidement et peuvent aussi disparaitre aussi vite que l'odeur est apparue.
Ta plume est tellement belle. Je te souhaite beaucoup d'amour pour ce nouveau chapitre de ta vie. x
J'arrive après la bagarre Marion, mais putain il est beau ton texte.
je ne connais pas ce que tu décris, jamais expatriée, mais je tenais quand même à te dire que c'était beau de te lire. Vraiment. Ton blog est tellement, tellement cool <3 <3
Quel bel article Marion. J'ai vécu au Québec en 2012, aujourd'hui encore, j'ai le coeur tout chamallow quand j'entends ce bel accent chantant. On revient, mais on laisse toujours un bout de nous là bas.
Bonjour, très bel article, émouvant. Tu as vécu une magnifique expérience en Inde, le retour à la vie "routine" est parfois difficile. Mais il faut voir les choses du bon côté. La vie est bien trop courte pour ne pas en profiter. Tu auras d'autres occasions de voyager et vivre des expériences inoubliables. A bientôt, Mr Wonderful
Qu'il est touchant cet article, de la nostalgie et une grande bouffée de "la vie c'est maintenant", ça crée un beau mélange... Puis la vie nous fait souvent de jolis coucous comme celui que tu nous racontes joliment.
Bonsoir Marion,
Je te suis depuis plusieurs années maintenant et j'ai un peu l'impression de t'avoir vu grandir à travers ce blog (aussi bien dans l'évolution du choix des articles qu'en suivant tes aventures d'expatriée ici et sur Twitter). Je me sens donc, d'une certaine manière, proche de toi et je ne peux être qu'émue à la lecture de cet article. Je n'ai pas vécue l'expatriation mais tes mots me touchent énormément. Je te souhaite encore de belles aventures, de belles rencontres, de belles surprises et beaucoup de bonheur. Tu as l'air de le mériter.
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