
Vendredi 13 novembre, j'ai eu de la chance. Mes amis, mes proches sont en vie et moi aussi. Je n'ai pas vraiment compris ce qui s'était passé car j'ai appris la nouvelle à minuit passé, en sortant du ciné avec un ami chez qui je suis allée dormir pour éviter de rentrer dans mon quartier, mon 11ème arrondissement chéri.
Ce n'est que le lendemain après-midi que j'ai réalisé, en branchant mon téléphone éteint depuis la veille. En écoutant la dizaine de messages vocaux de mes amis et de ma famille. Leurs voix inquiètes, les sms de stress, envoyés à la chaîne.
J'ai repensé à Matt, à l'enfer des 6 mois d'attente, de recherche, à ne pas savoir. Et j'ai regardé les infos toute la journée pour comprendre ce qui s'est passé. J'ai fait une boulimie d'images, de vidéos tournées avant/pendant/après l'horreur. J'ai lu les premiers témoignages, partagé les avis de recherche des premiers disparus, jusqu'à m'en rendre malade.
Mais bizarrement, aucune peur ne m'a envahie, ni aucune haine. Certes, j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps en lisant le témoignage de trop. Mais ce qui m'a le plus surprise, c'est que je me suis sentie envahie d'un étrange sentiment d'amour. J'ai passé mon samedi à envoyer et recevoir des messages d'amour, à prendre des nouvelles des uns et des autres. J'avais aussi profondément envie de prendre un peu de la douleur des proches des victimes. Mes plaies sont cicatrisées, je n'ai plus de haine ni de peur envers l'atroce douleur qu'est celle de perdre un être cher, je voulais simplement prendre les gens dans mes bras. Je ne savais pas comment aider, à part en aimant et surtout en vivant.
Dès le dimanche 15 novembre, ma vie a repris son cours : c'était une question de survie. Dès que je tombe par inadvertance sur un témoignage ou des images de ce vendredi, je m'effondre. Alors je prends du recul, je sors, je ris, je bois, je glande, je bosse, je cours, je boxe, j'aime et surtout j'essaie de comprendre. Comment mieux aimer, comment être une meilleure personne sur cette Terre ?
Le mardi soir, je suis allée à l'avant-première du film d'animation "Le Prophète" adapté du recueil de poèmes de Khalil Gibran. Encore une coïncidence étrange : je n'avais jamais entendu parler de ce best-seller avant que Matt ne le lise au Népal. Je l'avais acheté suite à ses conseils et l'avait lu à mon retour à Chennai, pendant qu'il entamait son ultime voyage. A l'époque je n'avais pas tout compris car les enseignements de Gibran ne faisaient pas écho en moi, je n'arrivais pas à les mettre en perspective avec ma propre vie ou ma vision du monde.
Mais mardi soir, Le Prophète a pris tout son sens. J'ai généreusement pleuré du début à la fin tant les paroles de Gibran m'ont touchées. Cette fois, les enseignements du Prophète faisaient écho à tout ce qui venait de se passer : la mort, l'amour, la tristesse et la joie, la liberté... Cela m'a permis de mettre des mots sur des sentiments que je n'arrivais pas à décrire. Je suis sortie de la séance émue, sereine et reposée. Et encore une fois remplie d'amour pour le monde qui m'entoure.
Alors si vous ne saviez pas quoi offrir à vos proches à Noël, offrez-leur Le Prophète et courez au cinéma ce mercredi 2 décembre. En plus d'être une histoire incroyable, la réalisation du film d'animation est très originale : chaque poème dévoile un univers graphique différent. On en prend plein les yeux (l'un des poèmes est réalisé par Joan Sfar) et plein les oreilles (2 poèmes sont chantés par Damien Rice). Je vous invite à regarder la bande-annonce pour découvrir quelques images justement.
De mon côté, je suis heureuse de pouvoir vous offrir 2 exemplaires du livre. Envoyez-moi juste un petit e-mail à marionrocks.blog@gmail.com avec vos coordonnées complètes et j'enverrai les exemplaires au hasard à 2 d'entre vous !
Et pour répondre à la question "Et après ?"
Après ce qui vient de se produire, je ne me permettrais que de donner ces quelques conseils : aimez, lisez beaucoup et avec du recul, reposez-vous et n'attendez pas qu'il soit trop tard pour passer du temps avec les gens qui vous sont chers plutôt que de le gaspiller à critiquer ceux qui vous insupportent. L'amour est la réponse, pas la terreur ni la psychose.
J'espère en tout cas que vous allez bien et que l'horreur de ce vendredi 13 n'a pas touché vos proches. Prenez soin de vous !
J'espère en tout cas que vous allez bien et que l'horreur de ce vendredi 13 n'a pas touché vos proches. Prenez soin de vous !